Mahelys

L'eithelin se présente devant la hutte de Mahelys et l'appelle discrètement. Pas de réponse... elle entre, et soupire bruyamment en découvrant le spectacle qui s'offre à elle.

Mahelys est assise sur le sol, une coupe de vin renversée au bout de sa main pendante. Elle fixe le vide, légèrement vacillante.

Etoilée enlève le verre des mains de sa sœur, et l'emporte vers son lit.

« - Etoilée ! Il ne comprend rien, rien du tout...

- Ben ouais Mahe ! Les humains c'est pas fait pour nous, t'as eu mille preuves je sais pas ce qu'il te faut de plus ! Allez... j'espère qu'Atha vient pas cette nuit, ça lui ferait une drôle de surprise d'te trouver comme ça ! »

Quelques minutes plus tard, l'eithelin sort discrètement de la hutte de l'hilneth et traverse le camp pour aller prendre sa garde.

« Ne te résigne pas ! »

En prononçant ces mots, l'ancien gifla Mahelys avec violence.

Choquée par ce qu'il venait de lui annoncer et surprise par son geste, elle eut seulement le temps de prononcer un faible "Idhren".. Le bras d'Eldwinn se transforma en patte d'ours et la griffa avec force, sous le regard médusé d'autres Daendil.

Le campement est encore endormi. Quelques rais de lumière du matin filtrent à travers les branches de la forêt jusque sur le toit des huttes. Au ras du sol, le vent soulève en petites volutes les cendres du feu éteint.


Mahelys est déjà debout, elle a terminé ses corvées du matin et observe la forêt en picorant quelques baies.

Depuis que l'Ancien lui a appris ce qui lui arrivait ses dons de druidesse commencent à lui revenir… mais si lentement !!


Elle croit entendre un murmure dans la forêt, comme des voix qui bourdonnent dans ses oreilles

« Feuillenuit c'est toi ?… Melian ? »

Personne…

« Je perds la tête ! »

Puis un grand frisson la traverse et elle lâche la baie qu'elle s'apprêtait à croquer.

Elle reste bouche bée, puis sourit jusqu'aux oreilles. Ça y est ! Eldwinn avait raison. Enfin, elle peut sentir la petite étincelle de vie qui se développe là, dans son ventre.

Cette nuit-là, Mahelys s'enfonce dans la forêt, Myril sur ses talons.

Un sac de provisions pour plusieurs jours rebondit sur ses hanches à chacun de ses pas.

Milieu de l'été.

Il fait très sombre, et des grognements résonnent le long des parois. Rien n'a changé ! Le long des galeries taillées dans la roche, des torches plantées sur un piquet à intervalles réguliers guident les pas des visiteurs. Mahelys connait le chemin par cœur, elle l'a parcouru avec le clan de nombreuses fois ces dernières années.

Un son familier, le clapotis de la petite mare souterraine... C'est ici. En forme de félin, Mahelys vérifie qu'elle n'est pas suivie et escalade la paroi.

Des restes de nourriture gisent encore dans un renfoncement, à côté d'une pile de peaux tannées abandonnées.

La druidesse pose ses affaires sur le sol, s'accroupit pour balayer les restes de la main, et s'allonge en remontant l'une des peaux sur elle. Au contact des poils rugueux, elle ferme les yeux. L'odeur d'Eldwinn imprègne cette peau et cet endroit, la rassure et la plonge dans la même sérénité qu'il y a quelques mois... avant le départ des Daendil vers Strangleronce.

Elle peste encore contre les sentinelles de Darnassus et finit par s'endormir, une main protectrice posée sur son ventre.

« Combien de semaines, de mois se sont écoulés ?

Je sens mon petit bouger en moi, donner des coups de plus en plus pressants contre mon ventre. Bientôt il viendra au monde... Pas ici ! Pas seule dans cette forêt ! Où est mon clan !

Il y a plusieurs semaines, Idhren est revenu dans la grotte .... je crois qu'il m'a sentie, il a grogné mon nom en reniflant l'air de la caverne ! J'ai avancé vers lui, et le souvenir de sa fureur m'est apparu, quand il ne comprend pas il est violent. S'il me voit, il frappe... s'il me frappe, il frappe mon enfant... Je suis partie le plus rapidement et furtivement possible...

Bien plus tard je suis quand-même retournée au campement... Il n'y avait que des restes calcinés, que s'est-il passé ?!

Pourtant, je suis sûre qu'il reste d'autres Daendil, quelque part !

Si je le pouvais, je fouillerais chaque arbre d'Orneval, et d'ailleurs... Quelle idiote de m'être cachée d'Idhren dans la grotte ! Où sont les miens ... »

Calën va avoir 3 mois. Il me sourit quand je lui parle doucement, et gazouille tranquillement. Parfois je lui envie cette sérénité, comme si rien ne pouvait lui arriver.

Quand je le nourris, il boit goulument et me fixe de ses grands yeux verts. Son petit corps parfaitement moulé contre le mien, il me fait alors prendre conscience que nous tous, le clan, les feuilles qui frémissent dans les arbres, les tigres, l'eau de la rivière cheminant en bas du campement ... nous ne sommes en réalité qu'un.