Entrer dans la prison d'Hurlevent fut un jeu d'enfant. Les gardes l'avaient repérée depuis quelques jours, flânant autour du bâtiment, et elle n'avait jamais manqué de le lancer un sourire ravageur pour les saluer, juste au cas où. Tout à l'heure, quand elle est arrivé avec un petit pique nique en plein milieu de leur tour de garde, ils ont cru rêver, mais on sauté sur l'occasion profitant de l'aubaine.
Elle fait sauter dans sa main le volumineux trousseau de clés qu'elle a emprunté au capitaine. Même pas besoin de crocheter les serrures, elle sait exactement laquelle ouvre la porte du recoin où ils fourrent les effets personnels des prisonniers.
" C'est dingue comment ils peuvent être bavard ces humains quand même.... "
La clé tourne sans peine dans la serrure, et elle tire doucement la porte, jetant un coup d'œil pour vérifier qu'elle ne s'est pas trompé. Quelques dizaines de casiers de bois sont entreposés là, débordant des effets personnels des prisonniers. Un odeur lourde et écœurante flotte dans l'air, mélange de parfums bon marché, de cuirs mal entretenus, de poison éventé, de sang séché et autres arômes qu'elle n'identifie pas mais qui menacent de lui soulever le cœur si elle reste trop longtemps dans la pièce.
Son idée de droguer les gardes lui est venue naturellement quand Yija lui a demandé de lui fournir une armure, des armes et de l'or. Armes et or, elle n'en manque pas, mais pour la tenue de cuir de bonne qualité qu'il voulait, il lui aurait fallu des jours pour la dénicher ou la faire faire. Or, le temps, c'est ce qui lui manque cruellement. Et quand il lui a dit que ses affaires étaient dans doute toujours à la prison, la solution, lumineuse, lui a sauté aux yeux : pourquoi s'embêter à tout réunir, alors que tout est à portée de main ?
Elle se force à respirer le plus lentement possible et se décide à tirer la caisse la plus proche d'elle pour en examiner le contenu. Elle la repousse aussitôt, clignant des yeux pour en chasser la poussière. Visiblement, ce sont les effets d'un type qui en a pris pour pas mal de temps... Elle pose sa chandelle sur une étagère en hauteur et compte rapidement les caisse. Cinquante trois... Cinquante trois foutus prisonniers... Enfin cinquante deux moins un.
" Plus qu'a prier pour que j'ai de la chance. " Elle reprend sa fouille, espérant que la potion qu'elle leur a administré durera un peu plus que la demi heure prévue au départ.
Dans la salle où les reliefs du pique nique servent de festin aux rats de passage, les gardes dorment d'un sommeil paisible, un sourire béat sur leur visage. Dans leurs rêves à tous, une elfe avenante leur sourit avant de les embrasser et de les étreindre en leur murmurant des mots doux à l'oreille.
Tout à leur bonheur, ils n'entendent pas la voleuse revenir, les bras chargés des possessions de Yijael. Elle remet le trousseau là où elle l'a pris, à la ceinture du capitaine, ramasse son panier à pique nique, prend soin de récupérer les bouteilles qui contenaient le vin " aromatisé " et jette un dernier coup d'œil amusé à la scène.
" Qu'ils sont mignons... "
Un sourire narquois sur les lèvres, elle sort à pas de loup du bâtiment, profitant des ombres qui s'étendent sur la ville. Au clocher de la cathédrale, vingt trois heures viennent de sonner. La voleuse allume une odorante cigarette de feuillerêve et se dirige vers le quartier des mages.
