Le prisonnier

Galadrinn venait de discuter avec Shandara et Myrah, elle s’était remise à fendre le bois pour le feu quand une silhouette plus que connut est entrée dans le camp : Yijael !

La guerrière n’en croyait pas ses yeux.

- Yijael ! mais qu’est ce que tu fiches là mon beau ! file d’ici

Le voleur ne l’a même pas regardé, il a détaché sa ceinture, jettant ses dagues aux pieds de Shandara en lui disant :

- Va dire au vieux que j’suis là.

Galadrinn n’en croyait pas ses oreilles. Elle a regardé Shandara partir à la recherche d’Idhren et à essayer de convaincre Yijael de partir :

- A quoi tu joues mon beau, dégage de là avant qu’il arrive.

C’est alors que Kathryl est entré à son tour dans le camp. Tout ceci prenait décidément une tournure que la guerrière ne comprenait pas.

- Kat ! t’es fou, va t’en …

Le chasseur est resté impassible, tout comme Yijael, c’est à croire que personne ici n’entendait ses paroles.

Idhren est arrivé avec Shandara, il avait l’air presque heureux pour une fois. Il a vaguement questionné Kathryl pensant visiblement que c’est lui qui l’a ramené, puis il a annoncé que la sanction a son encontre était levée.

Idhren a posé la main sur le front du voleur, une lueur émeraude en a jailli et il a dit souriant :

- Oui, elle est là, je la sens.

Galadrinn n’a absolument rien compris à cette phrase, ni au sourire de satisfaction qui l’accompagnait.
Elle a regarder Kathryl quitter le clan, voulant le suivre, mais ne pouvant pas pour le moment.

Idhren nous a ordonné de fouiller Yijael et de lui ôter tout son équipement avant de l’attacher et de l’enfermer dans la hutte de pierre.
Nous avons tous interdiction d’approcher de la hutte que ce soit pour lui parler ou pour le nourrir. D’ailleurs Idhren a demandé à ce qu’il soit bâillonné, la porte de la hutte murée et toutes les ouvertures bouchées.

La guerrière a aperçu un étrange petit papillon vert qui s’est mis à voler dans tout le camp de manière très désordonné quand Idhren a donné ses ordres. C’était comme cet animal avait peur de quelque chose.
Se disant que son imagination lui jouait peut-être des tours, elle a repris sa tache, aidant Shandara a enfermer Yijael.
Triste et inquiète, elle a demandé plusieurs fois pardon au voleur, lui promettant de trouver une solution, l’embrassant même avant de le bâillonner. Les seules paroles d’Yija ont été pour lui dire de « ne pas s’attirer plus d’emmerde ».

Idhren avait l’air satisfait, semblant comprendre quelque chose tout à coup

- Le lien, l’esprit oui c’est çà qui l’a maintenu …

Myrah a questionné Idhren lui demandant s’il comptait laisser Yijael mourir ainsi enfermé mais Idhren a répondu par la négative

- Le tuer, non surtout pas …quand il sera plus docile et affaibli je pourrais entrer en contact …

Ensuite Idhren est resté sourd aux questions de Myrah, aux protestations de Shandara, à la résignation de Galadrinn. Il a rejoint sa caverne en nous menaçant du pire si on désobéissait.

Galadrinn ne comprend rien, de qui Idhren voulait parler ? quel esprit ?
Elle était libre et Yijael enfermé … elle ne savait que faire maintenant. Pourtant, il fallait comprendre pour trouver une solution.

« Le sentiment d’avoir été un chien de garde, une bête docile, qui attaque sur commande, rongeait Shandara. Elle était sortie de sa réserve, avait aboyé dans des sanglots sa peur et sa frustration alors que son maître avait ordonné que l’on emmure vivant le voleur. Enragée, elle s’était effondrée et comme un animal dressé par de trop nombreux coups de bâtons, sa rancœur la consumant.
Cette fois-ci pourtant, une lueur d’espoir était apparue. La Laerin Galadrinn et la Hilneth Myrah semblaient comprendre les doutes et la culpabilité de Shandara. Au départ du Idhren, Shandara et la hilneth avaient évoqués les différentes options qui s’offraient à elles. Retrouvant un peu de courage et de déterminations, elles se promirent de passer à l’action cette nuit. »

La nuit est calme, une légère brise souffle dans la clairière, emportant avec elle le surplus d’humidité causé par la pluie de ces derniers jours. Shandara lève les yeux au ciel et observe la lune. Il fait clair ce soir, l’obscurité ne la masquera que partiellement mais cela facilitera sa tâche pour trouver un point faible dans la structure. Avec détermination, elle brûle un morceau de liège à la flamme de sa petite lampe à huile. Une fois le bois noircit, elle s’en enduit les mains et se les passe sur le visage et les bras pour assombrir sa peau. Avant de quitter sa hutte, Shandara prend une de ses sacoche, la vide, et n’y range que ce dont elle aura besoin : deux dagues résistantes, quelques chiffons pour atténuer les bruits, une tête de masse pour pouvoir s’en servir comme d’un marteau et une longue cordelette de cuir tressé.
Parée, faisant un instant le vide dans sa tête, elle sort de sa hutte dans une combinaison de cuir et de tissu aux couleurs sourdes pour rejoindre son poste de garde et attendre que le camp s’endorme.

Dans les sous-bois, bien dissimulée, elle aperçoit la petite colonne de daendils qui rentrent au camp après leur expédition. Elle les salue, comme le font les guetteurs. Ils lui répondent et vont pour la plupart se coucher sous leurs huttes respectives. Ilrion la relèvera d’ici quelques heures, elle ira le réveiller une fois qu’elle aura terminé sa besogne.

Attendant que tous s’endorment, Shandara sent la tension monter. Elle n’est vraiment pas habituée à ce genre d’opérations, elle aurait tant voulu que son rhiwin soit là, la guide, mais il ne fallait pas perdre de temps. Bientôt seul Myrah est encore éveillée, au coin du feu de camp.
Shandara dévale la côte avec précautions et en silence pour la rejoindre. Elles se regardent avec complicité et en une brève conversation chuchotée, conviennent de leurs rôles. Myrah montera la garde et fera diversion si nécessaire tandis que Shandara tentera de trouver le point faible du cachot et de desceller quelques pierres. Un instant encore elle croisent leurs regards, visiblement toutes deux déterminées et confiante. D’un un petit signe de la main, avec tendresse, Shandara indique à sa complice qu’il est temps d’y aller. Elle s’enfonce dans la nuit claire en direction du cachot.

Tout au long de sa marche silencieuse, évitant toutes les huttes, Shandara entend son cœur battre, son rythme s’accélérer. Avec une précaution infinie, elle évite tout ce qui pourrait la trahir, s’arrête à certains moments pour écouter, observer. Plus elle s’approche de la bâtisse de pierre, plus elle prend conscience de l’ampleur du supplice que va subir ce voleur.

Arrivée au pied des murs, dans la clarté de la lune, elle se concentre pour calmer sa respiration et se fixe, accroupie. D’une main, au toucher, elle inspecte l’état de la maçonnerie. Quel beau travail, Galadrinn avait agencé presque parfaitement chaque pierre, le mortier ne faisait que de souder le tout. Impossible d’entamer le mur à sa base.
Shandara se relève, jette un coup d’œil aux alentours et avec une infinie délicatesse commence à escalader le mur pour rejoindre le sommet de la construction. Pour ne pas déraper et faire de bruit, elle s’aide de ses dagues qu’elle glisse dans les rares anfractuosités.

Au sommet, elle se couche, s’aplati de tous son long, puis observe le camp. A moins d’une cinquantaine de pas, le feu de camp et Myrah, qui n’est qu’une ombre vacillante. Avec méthode, Shandara fais le tour du dôme, palpant de ses mains chaque pierre. Ici, le mortier semble jouer un rôle prédominant, reliant chaque pierre. Il est probable que la fin de la construction ait été faite dans la précipitation. Shandara fouille une dernière fois la surface de ses mains, pour s’assurer du point d’attaque, puis dépose un chiffon sur l’endroit voulu et commence à gratter le mortier de la pointe de sa dague.
Les battements de son cœur l’assourdissent, chaque gratouille lui semble bien trop bruyantes. Prenant peur, elle s’interrompt fréquemment et attends que le calme revienne. Elle soulève par intermittence le chiffon et balaye les résidus dans sa sacoche ouverte, pour ne pas laisser de trace. Le temps lui paraît si long alors que la progression semble si lente. Déjà le mœllon semble dégagé du mortier qui l’entoure. Elle se saisit de la tête de masse, l’entoure d’un chiffon et frappe par petits coups sur sa dague, à la façon d’un burin. La Pierre cède lentement et à sa grande surprise ne tombe pas. Elle retire avec peine la roche de son enchâssement et découvre une seconde couche de roche.

Shandara soupire, une seconde elle désespère, puis se reprend et se concentre sur sa tâche. Elle observe le trou, réfléchit et se dit qu’il y a une deuxième couche, mais qu’elle la chassera à l’intérieur de la bâtisse. Pour cela il faudrait pouvoir y donner un très violent coup de pioche ou de barre à mine. Le temps lui était compté, la nuit bien trop avancée. Demain se dit-elle, oui demain…

Avec précautions elle replace la pierre dans son trou, chasse la poussière et désescalade le dôme pour aller retrouver Myrah…

(ps : à toi Myrah)

Le campement s'endort doucement, et dans la nuit fraîche le feu éclaire doucement les alentours. Shandara vient de partir faire une ronde.
Il flotte comme une tension dans l'air... quelque chose... de l'attente.

Les flammes me permettent d'avoir un peu de répits dans mon esprit sans cesse tourmentés par devers questions et je peux me concentrer plus facilement sur le dernier problème en date.

Fallait-il que pour chaque espoir retrouvé ou ranimé, une catastrophe arrive juste derrière ? Le calme avant la tempête avait-il dit...

Ce sont les yeux qui finalement sont les plus parlant. Derrière la bravache du voleur, ont pouvait sentir l'angoisse... Je me souviens de la lettre qu'il a écrite pour que je vienne là, quand l'espoir m'avait quitté, et cette fois-ci... la situation était inversée. Il avait besoin d'aide, et je ne me détournerais pas.

Idhren poursuivait une quête insensée, quel qu'en soit le prix, quel qu'en soit les obstacles je crois. C'est à peine s'il m'entendait, quand je posais toutes mes questions pour savoir ce qu'il allait en faire. Un chat tombé dans un bol de crème, c'est exactement ce à quoi il ressemblait actuellement. Il n'y avait rien à faire de ce côté.

Une solution... une solution... je n'en voyais pas des mille et des cents.

Shandara revient, et je sais qu'elle veut agir à présent. Je suis heureuse d'avoir pu retrouver celle que j'avais pu voir tout au début, avant que les tensions diverses ne l'éloigne.

Je lui propose de l'aide, mais tout le risque réside pour le moment à celui de se faire surprendre et on convient du fait qu'il vaut mieux que je surveille et fasse diversion au cas où. Après un moment, je prend ma forme féline, bien plus apte à surveiller chaque bruit et odeur. Pour la diversion... après tout, les catastrophes c'est ma spécialité.

Je suis aussi alerte que je peux l'être, cherchant à percevoir les âmes dans les liens qui m'entourent.

J'entends Shandara escalader la hutte, puis frapper et gratter de ses outils. Personne ne semble s'apercevoir de quoi que ce soit. J'attends son retour, et l'heure pour moi d'aller dormir un peu.

Il est tard cette nuit là quand Merende revient au camp avec Aerlinn qui dort profondément dans ses bras.
Tout semble paisible, pourtant l'atmosphère est lourde, comme ci quelque chose se préparait. Jetant un œil aux alentours, la druidesse s'aperçoit que l'étrange hutte de pierre est fermée, scellée même serait plus exacte.

Merende va déposer sa fille dans sa hutte avant de ressortir pour en savoir plus. Elle ne voit personne, ceux qui montent la garde sont cachés et vu l'heure tardive elle ne peut les appeler.
Elle s'approche de la hutte et se concentre, faisant appel à son don pour la vie afin de savoir s'il y a quelqu'un à l'intérieur. Au bout de quelques minutes, elle distingue effectivement une vie dedans.

- Qui a bien pu être enfermé là-dedans ? et pourquoi ?

Merende prend sa forme de chat afin de s'approcher plus discrètement et de se fier à son odorat. Elle hume les odeurs environnantes puis se fige, comme tétanisée, son cœur venant d'essayer de sortir de sa poitrine.
Elle reprend sa forme elfique et se colle au mur de la hutte.

- Yijael, tu m'entends ?

Son coeur se met à battre la chamade quand elle perçoit un mouvement entravé à l'intérieur. Elle fait le tour de la bâtisse , cherchant une ouverture qu'elle ne trouve pas.

- Pourquoi ? pourquoi es-tu enfermé ?
Idhren ...cela ne peut être que lui ...
Ne t'inquiète pas, je vais aller lui parler, savoir ce qu'il veut. Je souhaitais ton retour mais pas comme çà ...

Merende appuie son front contre le mur froid, fermant les yeux, sa main caressant la surface rugueuse. Elle murmure :

- je vais te sortir de là ! tiens bon !

C'est les larmes aux yeux qu'elle regarde le soleil se lever. Elle prend la direction de la caverne d'Eldwinn, elle doit lui parler au plus vite.

Tout est calme au camp par une heure aussi tardive. Le feu principal du camp n’est plus qu’un petit point rougeoyant de braises à une cinquantaine de pas de Shandara. Sur le dôme de la hutte, à plat ventre, elle scrute les environs, regarde le ciel embrumé et ne distingue que peu d’étoiles. Elle se dit que cette obscurité est la bienvenue et que d’avoir laissé une nuit s’écouler avant de réattaquer le trou avait été une bonne décision.

Prenant son burin dans une main pour faire levier, elle descelle la pierre qui cache le trou. Elle fouille à tâtons le fond de la cavité. Des doigts ont beaux chercher, le mortier se fait rare, les pierres de la couche suivante semblent bien ajustées. Confirmant ses craintes et les dires de Galadrinn, le dôme n’a pas été bâclé.

Shandara reste un instant immobile, à l’affût du moindre bruit. Rassurée, elle place un chiffon au fond du trou pour atténuer le bruit, puis pose le burin et donne de petits coups de massette.

Pic pic pic…

Dégageant la surface d’attaque elle vérifie si la roche cède, si le burin entame bien la roche. Shandara constate que quelques esquilles de roche se sont détachées. Prenant son courage à deux mains, elle de dit que ce sera long, très long, mais que c’était la seule solution.

Pendant un bon moment, perchée sur le dôme elle entame la roche de petits coups de burins. Toujours aux aguets, elle s’arrête de temps à autre pour reprendre son souffle.

Pic pic pic…

En sueur, les bras douloureux de part la position inconfortable et les efforts soutenus, Shandara passe sa main dans le fond du trou. La roche a cédé et s’est fragmentée en trois parties. Mais comme il y a deux nuits, elle n’est pas tombée plus bas.

- Par toutes les cornes des chimères… mais combien y a-t-il de couches ? Tous ce travail pour un petit trou d’une demi coudée de profondeur… pfff *jure-elle dans un murmure*

Epuisée elle se retourne et se plaque sur le dos, un petit malaise s’empare d’elle. Respirant profondément elle se concentre pour ne pas défaillir et regarde le ciel qui pâlit déjà, annonçant l’arrivée prochaine de l’aube. Dans un dernier effort elle se retourne et malgré son envie de vomir elle donne encore deux ou trois coups de massette sur le burin pour dégager les morceaux de roches qu’elle retire et place dans sa besace. Elle replace la première pierre pour masquer le trou, puis balaie le pourtour pour effacer toutes traces.

Ereintée et fourbue, elle désescalade la hutte sans faire de bruit. A la base de la maçonnerie, elle s’accroupit pour se laisser un répit et regarde ses mains. Outre la crispation de ses doigts, elle constate que par endroits, la peau de sa paume a souffert des chocs et des coups répétés. Maudissant intérieurement ce tas de pierre elle regagne discrètement sa hutte avant l’aube.

La veille n'était pas difficile, il y avait tant à penser, surtout après cette soirée si particulière...

Elle pose sa tête entre ses pattes, à l'affût du moindre bruit, revenant en pensées deux jours en arrière.

Ce monde montré par Idhren était fascinant... il fallait qu'elle retourne voir. Mais il y avait tant de choses qu'elle ignorait, et devant le nombre de questions a poser, il valait mieux attendre un peu. Et puis... s'il fallait avoir à chaque fois cette horrible impression que le monde tournait dans tous les sens...

Il fallait pourtant retourner voir rapidement, pour surveiller l'aura de Yijael et vérifier que ça allait encore.

Le jour pointe enfin son nez, et les coups assourdit cessent. Elle s'endormit enfin, pour à peine quelques petites heures.

...


Shandara lui tends ses mains meurtries, qu'elle soulage comme elle peut. Cette nuit c'est elle qui prendrait la relève sur le dôme.

Elle discute quelques minutes encore avec Shandara et Fochtown de tout et de rien et la voila déjà en retard, filant vers le temple, une pensée pleine d'espoir lui vint.

Tous ensemble nous y arriveront. Tous ensemble nous trouverons.